Le curcuma. Plante en plein essor dont on ne cesse de parler depuis quelques années ; qu’en est-il réellement ? Est-ce véritablement cette plante miracle dont beaucoup vantent les nombreuses vertus ? Faut-il parfois l’utiliser avec précaution ?
Des origines à son utilisation actuelle
Originaire de l’Asie du Sud-Est (Inde, Chine, Malaisie, Indonésie), le curcuma est utilisé dès l’Antiquité en alimentaire pour ses propriétés de colorant et de conservation. Elle est en effet très présente dans la cuisine asiatique et indienne, dans le fameux curry par exemple. Ses première utilisations « thérapeutiques » remontent au IVème siècle avant JC où il est mentionné dans l’Atharva-Véda (texte sacré hindouiste) pour ses propriétés protectrices contre les maladies cardiaques.
La science a cependant démontré ce que nos prédécesseurs avaient observés : l’apport alimentaire est insuffisant pour avoir des intérêts thérapeutiques. Des années/décennies d’observations et d’expériences les ont conduit à attribuer au curcuma de multiples vertus : digestives, stimulantes, antiseptiques, troubles de la fertilité, anti-venin, cholagogue … en application locale ou par voie orale. Il aurait même des propriétés ésotériques : il constitue l’origine du monde pour les Birmans, certaines ethnies l’utilisent pour chasser les mauvais esprits. En Europe, il apparaît dans la littérature scientifique en 1450 mais ne deviendra une plante répandue qu’au 16ème siècle, utilisée traditionnellement pour les troubles digestifs, les troubles biliaires mineurs et les douleurs articulaires.
Depuis, plusieurs études scientifiques sont venues appuyer ou rejeter ces indications thérapeutiques et proposer de nouvelles pistes. Mais elles ont aussi et surtout permis de connaître avec précision la composition du curcuma.
Pourquoi ses propriétés sont-elles si larges ?
Plante de la famille des zingiberacées, cousin donc du gingembre et de la cardamone, le curcuma existe sous une quarantaine de variétés différentes. Trois d’entre elles sont thérapeutiques : le long (Curcuma longa), le rond (Curcuma xanthorrhia) et le zéodaire (Curcuma zeodaria). En phytothérapie, c’est son rhizome qui sera utilisé : après avoir été déterré, il est découpé et bouilli ou chauffé à la vapeur. Ensuite, il est séché et broyé jusqu’à l’obtention d’une poudre à la couleur très caractéristique.
Le rhizome utilisé doit sa couleur orangée à la présence de 3 à 5% de curcuminoïdes, des pigments liposolubles appartenant à la grande famille des curcuminoïdes. Si vous avez déjà eu l’occasion de cuisiner du curcuma frais, c’est à ces dérivés phénoliques que vous devez cette belle couleur qui reste plusieurs jours sur vos doigts. Ils sont constitués à 60% de curcumine, la molécule qui possède les propriétés les plus intéressantes : c’est un puissant antioxydant et anti-inflammatoire. La drogue contient aussi des polysaccharides (amidons, arbinogalactanes appelés aussi « ukonanes ») et une huile essentielle (jusqu’à 6%) notamment riche en α-turmérone et en curcumènes. .
L’ensemble de ces composés actifs lui confère de très nombreuses propriétés :
- Hépato-digestifs (cholagogue, cholérétique, antispasmodique, antifongique) et hépato-protecteurs
- Antioxydantes
- Anti-inflammatoires
- Antibactériennes
- Protecteur cardiovasculaire
- Hypoglycémiantes
Des propriétés anti-inflammatoires
Plusieurs études ont mise en évidence les propriétés anti-inflammatoires du curcuma dans l’arthrose. Certaines études ont même comparées l’extrait de cette plante à des anti-inflammatoires tels que l’Ibuprofène1[i]. Tolérance et efficacité étaient au rendez-vous. La curcumine inhibe efficacement la cyclo-oxygénase et partiellement les lipoxygénases ce qui va freiner les cascades inflammatoires liées à la conversion de l’acide arachidonique en leucotriènes et en prostaglandines, les deux principales enzymes de l’inflammation. C’est donc une plante idéale contre les douleurs rhumatismales, dans les cas d’arthrite et contre les inflammations du système digestif. Aussi, des pistes ont été lancées et tendent à être confirmées pour montrer l’efficacité du curcuma contre le syndrome de l’intestin irritable, la rectocolite hémorragique, la maladie de Crohn, le lupus érythémateux, l’arthrite rhumatoïde et l’inflammation des yeux.
Si son utilisation à long terme est possible sans provoquer de douleurs ou de troubles digestifs (comme c’est souvent le cas avec des médicaments anti-inflammatoires), certaines personnes présentent parfois une sensibilité lors d’une prise prolongée de curcuma. Des brulures, des irritations ou crampes gastriques peuvent apparaitre. Dans ce cas, il sera utile de le prendre au cours des repas ou de revoir la dose journalière à la baisse.
Du foie à la protection cardiovasculaire
Le curcuma est traditionnellement réputé pour son effet hépato-protecteur, permettant de stimuler le métabolisme hépatique et protéger les cellules hépatiques. Son action a été décrite notamment sur l’activation des cytochromes hépatiques. Ces gros complexes enzymatiques sont très impliqués dans la détoxication des toxines. Le curcuma active notamment les enzymes de phase 1 et de phase 2, permettant ainsi d’éliminer les composés potentiellement toxiques tout en préservant le foie et en protégeant les cellules.
Si le Curcuma est une des grandes plantes du foie, ses actions cholagogue et cholérétique peuvent parfois être à contrôler. C’est quand il existe une lithiase biliaire. En effet, la stimulation de la production de bile en présence de calculs pourraient augmenter le risque d’obstruction du cholédoque (comme pour les autres plantes hépatotoniques).
Excès de lipides ou de cholestérol ?
Le Curcuma possède des propriétés hépatostimulantes : il augmente la production de bile (action cholérétique) et l’excrétion de cette dernière (action cholagogue). Ces propriétés expliquent en partie les bénéfices cardio-vasculaires du curcuma : il normalise les graisses telles que les triglycérides et le cholestérol. Il agit également comme fluidifiant sanguin et comme antioxydant, des propriétés fondamentale dans la protection cardiovasculaire.
Si on peut conseiller le curcuma pour normaliser certains taux lipidiques et plus généralement agir sur réduire le risque cardiovasculaire, il présente une interaction bien-connue avec les anticoagulants. Aussi, en cas de prise d’anticoagulants, il est préférable d’en avertir son médecin afin de ne pas risquer un effet cumulatifs et d’augmenter les risques de saignement.
Mal de ventre ?
Le rhizome de la plante sera efficace pour traiter les troubles digestifs. Flatulences, nausées, gestion de l’appétit, douleurs d’estomac, indigestion… l’Organisation Mondiale de la Santé et la Commission E (commission chargée d’évaluer le potentiel des plantes dans un but thérapeutique) conseille la prise quotidienne de 1,5 à 3 g de poudre de rhizome pour faire face à toute dyspepsie. L’utilisation d’extrait peu permettre une prise régulière et en plus faible quantité. Il faut cependant prendre en compte la disponibilité de la curcumine : son assimilation intestinale peut varier d’un facteur 1 à100 en fonction du type d’extrait et du métabolisme de chacun. La présence dans la même gélule, de pipérine et de gingembre permettra d’optimiser son assimilation. La prise d’un corps lipidique ( huile de poisson, d’onagre ou de bourrache par exemple) en parallèle sera aussi très bénéfique. Il existe enfin sur le marché des extraits à la biodisponibilité améliorée.
Curcuma et cancer hormono-dépendants ?
Certaines études in vitro suggèrent que la curcumine, peut inhiber de manière compétitive la liaison du 3H-estradiol ou de la bêta-galactosidase avec le récepteur d’œstrogène. Théoriquement, le curcuma pourrait donc avoir des effets oestrogéniques légers et ainsi contrecarrer la prolifération des lignées cellulaires du cancer du col de l’utérus et du sein en réponse à l’œstradiol et / ou l’irradiation, suggérant qu’elle pourrait avoir des effets anticancéreux bénéfiques contre les cancers hormonosensibles ou l’endométriose. Des études cliniques complémentaires seraient clairement indispensables pour vérifier ces propriétés afin de pouvoir conseiller ou non la consommation de curcuma en cas de troubles liés à un dérèglement hormonal.
En revanche, ces effets « oestrogène-like » le contre-indique en cas de grossesse (hors usage alimentaire).
Et si l’on va plus loin ?
Le curcuma est aussi reconnu comme efficace contre les irritations cutanées. Pour le reste, cette plante est pleine de promesses : des études sont en cours pour savoir elle serait intéressante contre les cas d’Alzheimer, le cancer du côlon, la dépression, le diabète, le cancer de la prostate, la fibromyalgie, les éruptions cutanées, les maladies neurodégénératives et bien d’autres. C’est une plante qui a su susciter l’intérêt de la science et de la recherche et les prochaines années nous garantissent de belles découvertes.
[i] Efficacy and safety of Curcuma domestica extracts compared with ibuprofen in patients with knee osteoarthritis : a multicenter study, US 2014