Les dernières années ont mis l’intestin sous le feu des projecteurs de notre santé physique et psychique. Les recherches continuent et se multiplient pour révéler le véritable potentiel de cet organe et les liens entre intestin et cerveau, intestin et immunité, intestin et système cardiovasculaire… Deux articles récemment publiés, l’un dans Frontiers in Immunology, l’autre dans Microbiome, confirment l’intérêt de l’attention qui lui est porté.
La première étude fait le lien entre l’inflammation de bas grade liée à l’âge et le microbiote intestinal (autrefois appelé « flrore intestinale »). Menée par le docteur Floris Fransen au centre médical de l’université de Groningen, il cherchait à savoir si la restauration ou l’entretien du microbiote pouvait permettre une baisse de l’inflammation et donc un vieillissement optimal. Ses résultats montrent que l’état du microbiote va véritablement impacter le vieillissement de chacun.
Durant cette recherche, il a transféré des bactéries intestinales de souris âgées dans l’intestin de jeunes souris saines et dépourvues de microbiote pour réaliser une comparaison avec des souris possédant le microbiote de souris plus âgées. Les analyses effectuées sur ces dernières montrent une nette augmentation de l’inflammation de bas-grade (l’inflammation non symptomatique). L’augmentation de ce terrain inflammatoire est un phénomène bien connu. Cependant, la démonstration aussi claire de l’implication du microbiote dans cette dérive inflammatoire est véritablement nouvelle surtout quand on sait que cette inflammation est un facteur de risque de nombreuses maladies chroniques telles que l’augmentation de la glycation cellulaire, du risque de démence, d’accidents vasculaires cérébraux, de cancer, de maladies cardiovasculaires….
Plus que jamais, le maintien de l’équilibre du microbiote est primordial afin de lutter contre les effets du temps. Or, quand on vieillit, les habitudes de vies ont tendance à changer, entrainant de facto une évolution dans la composition du microbiote : modification des habitudes alimentaires avec une moindre diversité et une moindre consommation de fibres, diminution des capacités digestives (lactose, protéines…), augmentation de la consommation de produits sucrés…
De nombreux probiotiques existent actuellement pour corriger les dysbioses (déséquilibre du microbiote intestinal), à quand les probiotiques pour réduire le vieillissement et les effets temps ?
La seconde étude fait le lien entre les bactéries intestinales et les micro-ARN, nucléotides à séquences courtes fondamentales à l’expression des gènes et au bon fonctionnement du système nerveux central. Il semblerait que les microbes présents dans les intestins affectent les micro-ARN que l’on trouve dans l’amygdale et le cortex préfrontal, deux zones cérébrales très impliquées dans les émotions, surtout l’anxiété et la dépression.
Ces molécules, lorsqu’elles sont dérégulées dans le cerveau, sont liées aux comportements anxieux et contribueraient à certains troubles psychiatriques, aux maladies neurodégénératives et à un développement neurologique anormal. Cependant, ces zones cérébrales et les micro-ARN qui y sont présents sont difficilement modulables, la recherche bute sur des obstacles tels que la barrière hémato-encéphalique, la stabilité des traitements potentiels, le choix de cibles… L’étude en question ici, menée par le docteur Clarke au collège universitaire de Cork, propose de cibler justement le microbiote pour agir sur les nucléotides et ainsi traiter les maladies psychiatriques et les troubles de l’humeur. Elle a été réalisée sur des souris et des rats ayant différents états de flore intestinale et il a été constaté que, même si les mécanismes en jeu restent méconnus, un microbiote sain est nécessaire au bon fonctionnement de l’amygdale et le cortex préfrontal et donc à l’équilibre émotionnel.
“Aged Gut Microbiota Contributes to Systemical Inflammaging after Transfer to Germ-Free Mice” by Floris Fransen, Adriaan A. van Beek, Theo Borghuis, Sahar El Aidy, Floor Hugenholtz, Christa van der Gaast – de Jongh, Huub F. J. Savelkoul, Marien I. De Jonge, Mark V. Boekschoten, Hauke Smidt, Marijke M. Faas, and Paul de Vos in Frontiers in Immunology. Published online November 2 2017.
“Microbial regulation of microRNA expression in the amygdala and prefrontal cortex” by Alan E. Hoban, Roman M. Stilling, Gerard M. Moloney, Rachel D. Moloney, Fergus Shanahan, Timothy G. Dinan, John F. Cryan and Gerard Clarke in Microbiome. Published online August 25 2017.